- Andréa
Ombre de toi

Les étoiles tournoient au-dessus de mon âme frêle
elles ne scintillent plus ce soir
leur éclat doré tend vers le noir
s’assombrissant encore une fois
je suis frigorifiée par l’hiver
mettant le cap vers des mois désolants
remplis d’amertume
vers des nuits congelant mon cœur
je ne peux me résonner à sombrer dans les bras de Morphée
étant horrifiée par toi
je me ressasse tes actions dans les moindres détails
tes bras m’entourant trop fort
laissant des traces rouges autour de ceux-ci
tes grandes mains autour de ma poitrine
les flocons tombent par la fenêtre
glissent sur les parois comme s’ils faisaient la course
j’aimerais que la neige m’ensevelisse
pour ne plus ressentir mon cœur déchiré en mille morceaux
mes membres engourdis
j’aimerais m’endormir
jusqu’à ce que le ciel m’atteigne
ton ombre se tient toujours au pied du lit
mais tu as pourtant déserté la pièce depuis des heures déjà
me laissant ainsi seule à moi-même

tu rentres paisiblement chez toi
rejoignant ton nid douillet
tes plus beaux rêves
reprenant ta vie où tu l’as laissée
comme si rien de tout ça ne s’était passé
les aiguilles tournent sur ma montre
le bruit m’angoissant
mais je ne compte plus les minutes ni les heures
qui s’accumulent sans crier gare
qui défilent à la vitesse de la lumière
tu t’éloignes et je ne compte plus
les kilomètres qui me séparent de toi
je ne mesure plus
à quel point tu es intouchable
tes souliers ne sont plus dans l’entrée
mais les traces de neige y sont toujours
l’impression que tu veux laisser ta trace partout où tu vas
tes vêtements ne sont plus éparpillés au sol
mais ton odeur y est toujours
et je ne peux plus respirer l’air qui m’entoure
m’étouffant jusqu’au plus profond de moi
je me retrouve dénudée
à poil et vulnérable
salie et fragile comme du verre
mais je suis déjà brisée
je me retrouve recroquevillée sur moi-même
étendue sur mon lit à contempler mon corps avec dégoût
chaque recoin de ma peau auquel tu as goûté
que je ne pourrais plus jamais regarder sans frémir
chaque parcelle de mon corps
qui ne m’appartient plus à présent
mes cheveux sont en pagaille
l’impression qu’un ouragan est passé hier soir
rasant tout sur son chemin
mais ce n’est que toi qui es passé sur mon corps
mes yeux sont rougis
mais ce n’est pas la drogue cette fois
mais bien les pleurs qui ont beaucoup trop coulés
mon regard a perdu cette étincelle qui le rendait si beau
il ne veut plus se relever sur cette scène de crime
mes lèvres sont gercées par les temps froids
celles qui ne goûteront plus jamais à la tendresse ou à l’amour
avant que les étoiles ne s’alignent
avant que l’univers ne soit aspiré dans un de ces trous noirs
avant la fin du monde du moins
je sens battre mon cœur
celui qui ne retrouvera pas son éclat
qui ne se reconstruira pas
avant des décennies
des siècles
des millénaires au moins

mes seins pointent où tu n’es plus
cherchant une signification à ta disparition si spontanée
une signification qui n’existe pas
mon entrejambe rempli de lait
pourtant je n’ai jamais eu envie de toi
je maudis mes bras qui ne t’ont pas repoussé
mes jambes qui sont restées immobiles
l’impression de n’être qu’un vulgaire cadavre
qu’une femme en détresse qui ne sera jamais secourue
mon ventre reste noué par les événements de la veille
mon esprit torturé par ta présence passée
les cloches de l’église font entendre leur tintement au loin
le bruit m’envahit de la tête aux pieds
mais mon corps ne se résigne à sortir de son état de léthargie
je me retrouve recroquevillée sur moi-même
mon téléphone à la main
l’écran de veille s’ouvre sous mes yeux
indiquant qu’il est maintenant six heures du matin
je n’ai pas fermé l’œil de la nuit
il me semble que l’alcool ne coule plus à flots dans mes veines
que les effets se dissipent

le soleil plombe toujours sur mon âme froide
se trace un chemin par ma petite fenêtre de sous-sol
mais il ne peut pas me réchauffer de l’intérieur
réveiller en moi les anges décédés
il ne suffit plus d’un arc-en-ciel ou d’une journée ensoleillée
pour voir un sourire se dessiner sur mon visage livide
qu’un rayon pour voir l’ombre s’éclairer
il ne suffit plus d’un suçon comme lorsque j’étais enfant
pour rendre la joie dans mon cœur
il ne suffit plus de la glu maison de ma mère
pour m’amuser pendant des heures
il ne suffit plus de chocolat fondant dans ma bouche
pour me faire taire quelques heures
je n’aime plus rien sucer de toute manière
je n’aime plus rien toucher
je n’aime plus rien goûter
mon regard se pose sur les lieux
j’ai l’impression d’être dans un cimetière
que la mort se fait proche
il n’y a personne sauf moi-même
personne pour me serrer dans ses bras
personne pour laisser couler mes chaudes larmes
personne pour déverser ma mélancolie
personne pour réparer tout ce qui vient de se briser en moi
personne pour me prononcer les mots que j’aurais tant besoin d’entendre
personne pour refaire naitre en moi l’étincelle éteinte
les larmes perlent à mes yeux
glissent sur mes joues
mes mains tremblent
mes pensées embrouillées ne cessent de tournoyer dans mon esprit
formant ainsi un énorme chaos
elles disparaissent un peu dans la fumée sortant de mes poumons
se perdent un peu dans cette pénible déréalisation
mon joint à la main
je peine maintenant à distinguer le vrai du faux
tout semblait clair et concis hier
tout semble mélangé ce matin
mais ce que je sais c'est que tu as quitté mon lit la nuit dernière
je ne peux plus me raisonner à me lever
sentant encore le poids de ton corps sur le mien
la centaine de livres m’envahissant de la tête aux pieds
la nuit était belle hier
jusqu’à ce que tu la transformes en tragédie
mes draps ensevelis de tes fluides corporels
je peine à m’envelopper de mes couvertures pour me réconforter
tu as pénétré mon royaume sans même en avoir l’autorisation
tu m’as ouverte sans que je ne te l’aie demandé
ta voix reste gravée dans mon esprit
ta voix forte et rauque
ma tête s’étourdit une fois de plus
mais cette fois ce n’est pas l’alcool
mais toi
tu n’étais qu’un inconnu
qu’un de ces hommes vide de l’intérieur
cherchant un trésor dans le corps d’autrui
tu n’étais qu’un de ces insomniaques
cherchant un endroit où créer des rêves
tu n’étais qu’une de ces âmes sans vie
cherchant de l’essence chez les inconnus
tu n’étais qu’un vagabond
à la recherche de nouvelles aventures
tu n’étais qu’un de ces agresseurs
cherchant du pouvoir chez sa victime
tu n’étais personne
mais tu m’as pourtant volé une partie de moi
que je ne retrouve même pas en fouillant dans les décombres
tu n’étais personne
mais tu es maintenant mon pire cauchemar
mais les criminels des corps comme toi
s’en sortent bien trop souvent indemnes
ainsi, tu mériterais de brûler aux enfers
personne pour te sauver
que tu ressentes au moins une infime partie de ce que j’ai ressenti
six mois ont passé en coup de vent
je peux encore sentir la brise contre mon visage
j’ai encore mal
même lorsque ma ville se rebâtit peu à peu
j’ai hurlé
mais personne n’a entendu les échos de ma souffrance
ou le monde a ignoré mes appels
perturbés par leurs problèmes quotidiens
leurs cœurs égoïstes
tu t’en es sorti sans égratignure
alors que je meurs à petit feu
tu t’en es sorti sans conséquence
alors que chaque jour qui se présente à ma porte apporte son lot d’inquiétudes
tu t’en es sorti sans souffrance
alors que mon corps souffre toujours de ce que tu lui as infligé
il n’y a pas un jour qui passe

sans que je ne ressente la peur de toi
la peur que ça se reproduise
la peur que tu cognes à ma porte
que tu l’as franchisse comme si de rien n’était
que tes mains viennent recouvrir ma bouche m’empêchant de crier
que tu viennes reprendre ton emprise
celle qui t’a tant manquée
je ne peux plus danser dans les champs de roses
je n’y trouve plus que des plantes sans vie
des milieux désertés
je ne peux plus chanter
ma voix se brisant dans chacun de mes silences
je ne peux plus aimer
mon cœur étant rempli de failles
je ne peux plus crier
je reste paralysée en pensant à toi
faible en t’imaginant au bord de mon lit
inconnu d’un de ces jours
cauchemars de mes nuits
tu fais maintenant partie de mes plus horribles couchers de soleil
tellement éblouissant
tu m’as aveuglée
tu fais maintenant partie de la brume sur mes horizons qui tendent à disparaitre
de la pluie lors de mes jours heureux
tu m’as appris à céder sous la puissance
à mourir intérieurement
à perdre le contrôle sensoriel
de mes parties les plus intimes
tu es passé ici à la vitesse de l’éclair
éteignant la lumière à ton départ

Andréa